Moissons nouvelles : les maisons de la deuxième chance pour les ados fragiles.
A lire, l’article de Odile BOUTSERIN qui a visité nos établissements relevant de la protection de l’enfance et explique leur fonctionnement. Nous retranscrivons intégralement son papier :
« Des enfants et adolescents victimes de carences éducatives ou rattrapés par la justice sont pris en charge par l’ASE, l’aide sociale à l’enfance. En concertation avec les parents ou le juge des enfants, ils sont alors confiés à Moissons nouvelles, une association bien établie en France et notamment en Moselle-Est.
Grâce au soutien financier du Département et de l’ARS (Agence régionale de santé), les équipes pluridisciplinaires de Moissons nouvelles accompagnent, aident, encouragent l’enfant victime de maltraitance ou de carence éducative à se reconstruire, à se réinsérer dans la société, à imaginer un avenir scolaire puis professionnel. Sans pour autant couper toutes relations familiales. Aujourd’hui, ce sont 270 ados de 13 à 18 ans voire des jeunes adultes qui sont pris en charge en Moselle, dont 102 usagers en Moselle-Est, répartis dans les établissements ou services.
Éducateurs, psychologues, moniteurs éducateurs, maîtresses de maison, animateurs mais aussi agents administratifs et d’entretien (54,5 équivalents temps plein en Moselle-Est) travaillent de concert pour une prise en charge spécifique et personnalisée, « autour d’un PPE (projet pour l’enfant) et sur le territoire d’où est issu l’enfant afin de ne pas trop l’éloigner du domicile familial », insiste Dominique Di Vitale, chef de service à l’Aide sociale à l’enfance. « L’objectif final est le retour de ces jeunes dans leurs familles », complète Vincent Di Bartolo, directeur du pôle Grand-Est. Pour ce faire, plusieurs dispositifs existent.
Le Serad (Service éducatif renforcé à domicile) : en Moselle-Est, éducateurs et psychologues accompagnent 45 adolescents et leurs parents à domicile. Ils les aident à surmonter des problématiques d’éducation, de communication en usant de partenaires tels que les écoles, les missions locales, les services sociaux, etc. Des mesures d’éloignement momentané de l’enfant peuvent être prises. Il est alors dirigé vers une Maison d’enfants à caractère social (Mecs).
Le bureau des éducateurs : ils sont dix pour les deux maisons de Saint-Avold et Folschviller, dont Mohamed.
Ici avec la directrice Claire Fangille. Photo RL/Daniel GUFFANTI
La Mecs reçoit des jeunes garçons de 13 à 18 ans (voire 21 ans) en internat et dans une petite unité. Les deux maisons du Pays de Nabor (rue Houllé à Saint-Avold et rue Foch à Folschviller) accueillent respectivement dix et neuf ados en grande fragilité, dans un cadre familial. Ils suivent un parcours scolaire classique ou une formation professionnelle ou encore un apprentissage. Ils participent aussi à diverses activités culturelles et sportives. Les parents sont associés aux projets de leur progéniture. Moissons nouvelles disposent également de deux appartements à Saint-Avold pour permettre et développer l’autonomie des plus de 16 ans.
Le dispositif Mousqueton existe à Metz et en Moselle-Est. Il a pour but de raccrocher les adolescents de 13-18 ans en errance et de les aider à sortir d’une situation de crise. « En accord avec les magistrats, il s’agit de construire un projet dans l’intérêt de l’enfant qu’il soit éducatif, scolaire ou professionnel », détaille Vincent Di Bartolo.
Le dispositif thérapeutique éducatif et pédagogique (Ditep) à Boulay s’adresse à un public présentant des troubles du comportement ou de la personnalité, sans déficience intellectuelle associée.
La Prévention spécialisée axée sur une présence et un travail de rue et de quartier, une manière de repérer les jeunes en rupture sociale, de prévenir les problèmes voire les catastrophes dans les familles. « C’est une arme supplémentaire pour suivre encore mieux les ados et jeunes adultes. Les éducateurs usent aussi de la communication via les réseaux sociaux. »
Claire Fangille, directrice de secteur, Vincent Di Bartolo, directeur du pôle Grand Est et Dominique Di Vitale, cehf de service . Photo RL/Daniel GUFFANTI
Inquiétude à La Carrière
En mai 2019, Moissons nouvelles a acheté une maison individuelle rue Maurice-Barrès, dans le quartier de La Carrière à Saint-Avold. D’ici 2021, après des travaux de rénovation et d’agrandissement, elle accueillera onze adolescents et adolescentes (jusqu’à présent, la mixité n’existait pas) « dans une petite unité de vie ». Les maisons de la rue Houllé et rue Foch à Folschviller fermeront alors leurs portes.
« Notre but est d’apporter encore davantage de qualité à l’accompagnement de ces jeunes qui disposeront d’une chambre individuelle. Nous souhaitons également embaucher des familles d’accueil et créer des appartements pour une semi-autonomie », précise Vincent Di Bartolo. Sauf que, l’an dernier, le directeur du pôle Grand-Est pour Moissons nouvelles a dû faire face à une levée de boucliers des voisins de cette future maison à La Carrière. Des riverains ont lancé une pétition contre l’implantation de Moissons nouvelles près de chez eux. « Je les ai rencontrés lors d’une réunion. Tout ce que j’ai dit a été entendu mais je n’ai pas l’impression de les avoir rassurés. Il règne une forme de suspicion et d’inquiétude. De fantasmes aussi. Nos enfants ne sont pas des délinquants ! Tout le monde est d’accord pour aider ces jeunes en difficulté mais surtout pas à côté de chez eux ! Dès l’ouverture de la nouvelle structure, nous inviterons d’ailleurs les voisins à venir la découvrir. »
Sabah, maitresse de maison. Photo RL/Daniel GUFFANTI
Sabah, l’autre maman
Sabah est la maîtresse de maison de la Mecs, rue Houllé à Saint-Avold, depuis dix ans. Elle est chargée des tâches ménagères, des repas, du linge… et ne cache pas sa satisfaction de travailler « dans cette grande famille ». Ce qu’elle aime ? « Le contact avec les enfants. Leur situation me touche car moi-même j’ai vécu ça… Dans chacune des chambres, il y a une histoire. » Il arrive aussi que la maîtresse de maison prête une oreille attentive aux confidences, aux petites contrariétés et mauvaises humeurs. Des liens se créent. « Après leur séjour, certains ados reviennent me voir, me donnent des nouvelles… Je les garde dans mon cœur. »