Le 8 juin 2018, le service éducatif renforcé d’accompagnement à domicile Moselle-Est organisait sa première journée institutionnelle.
L’événement était préparé par l’équipe éducative, sous l’impulsion de la directrice Claire Fangille, à partir du constat qu’un nombre significatif de familles s’interroge sur la manière de « sanctionner son enfant lorsqu’il transgresse les règles mises en place » ; il s’agissait donc de réfléchir avec les parents à cette question. Ce temps d’échanges a été également l’occasion d’aider les familles à mieux repérer et connaitre les différents dispositifs du droit commun existant dans leur zone d’habitation, leur quartier, susceptibles de les soutenir dans leur rôle d’éducation. Cet accompagnement du SERAD s’inscrit d’ailleurs dans ses missions de soutien à la fonction parentale.
La journée suscitant beaucoup d’intérêt, il a finalement été décidé de l’ouvrir au-delà des 45 mesures d’accompagnement relevant du SERAD. Les autres SERAD du département de Moselle étaient présents, certaines familles qu’ils accompagnent eux-mêmes, des services sociaux du secteur ainsi que diverses associations du bassin houiller. Ainsi une vingtaine de familles accompagnées et une soixantaine de professionnels du secteur de la protection de l’enfance se sont retrouvés dans la salle des congrès de Saint-Avold.
Au programme, d’abord une conférence animée par Fabien Olivetto, psychologue thérapeute familial à l’Espace rencontre de Thionville, intitulée « Peut-on éduquer sans punir ? ». Dans l’interview qu’il a accordé à cette occasion au Républicain Lorrain, (que nous remercions vivement d’avoir rendu compte de notre manifestation), monsieur Olivetto résume parfaitement son propos :
Éduquer un enfant, c’est poser des limites. Comment les faire respecter ?
FO : « En éliminant la violence. Plusieurs outils existent. Dont la punition, le fameux : “Si tu fais ceci ou ne fais pas cela…”. Mais ce n’est pas l’unique réponse ».
Qu’y a-t-il d’autre ?
FO : « Le premier outil est le dialogue. L’explication – attention, il ne s’agit pas de se justifier ! – le pourquoi de la règle. On peut également demander à l’enfant ce qu’il en pense, son ressenti. Un enfant ne fait pas forcément une crise sur un point précis : c’est peut-être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. »
Comme pour un adulte…
FO : « Oui et non. Les enfants sont des petites personnes, ils ont aussi du vécu. Mais il ne faut pas les prendre pour de mini-adultes non plus. »
Pourquoi l’enfant dépasse-t-il les limites ?
FO : « En testant ses parents, il ne joue pas : c’est son travail. Il a besoin de comprendre son environnement. Et la fiabilité du parent. Il va d’ailleurs aller questionner d’autres adultes. Cela nécessite d’être raccord au sein du foyer. Ou de bien spécifier que chez maman c’est comme ça et chez mamie c’est comme ci. Sans juger, sans dénigrer. C’est la même différence entre la maison et l’école. »
En quoi est-ce important dans sa construction ?
FO : « Un enfant a besoin d’expérimenter le monde. Par lui-même. D’ailleurs c’est un enfant qui se sent en sécurité qui le fera. S’il ne se sent pas en sécurité, il ne prendra pas le risque. Or, c’est par ces tests qu’il comprend le fonctionnement de la société. Notre monde n’est pas celui des Bisounours. Le parent ne rend pas service à son enfant en le protégeant de tout. Au contraire, il le rend vulnérable. »
Pourquoi punit-on un enfant ?
FO : « Il ne s’agit pas de le frustrer, mais au contraire de lui apprendre à gérer sa frustration. Sinon adulte, confronté au monde qui ne s’adapte pas à lui, il peut devenir dépressif ou violent. Cela induit que les parents doivent gérer leur frustration aussi. Les enfants sont des éponges émotionnelles, ils ressentent et perçoivent. Il faut rester conscient de pourquoi on fixe des règles. »
Que doit permettre la punition ?
FO : « Elle permet à l’enfant de se responsabiliser. Et de pouvoir réparer. C’est facile à dire, mais évidemment tout dépend de l’enfant, de comment on pose les règles. En tout cas, elle ne doit jamais humilier ou rabaisser. »
Quelle punition attribuer et comment ?
FO : « Il faut s’adapter à l’importance de la transgression, ne pas en rajouter, viser le juste, la mesure, l’équilibre. Et la sanction doit être immédiate. Évidemment, rien n’empêche de dialoguer, même avec les petits. Ils comprendront… ce qu’ils comprendront ! Il faut être vigilants sur le vocabulaire, s’assurer qu’ils connaissent les mots employés. Le souci est qu’il est parfois difficile de prendre le temps, de se poser. Si l’on est trop en colère, on peut dire à l’enfant qu’il va être puni mais qu’il connaîtra sa punition, une fois que l’on sera calmé. »
Que faire s’il refuse la punition ?
FO : « Tenir bon ! Même s’il est compliqué de voir son enfant pleurer par exemple. L’affect est dur à gérer et il n’y a pas de recette. Mais si l’enfant voit que l’adulte peut céder une fois, il va tenter sa chance à chaque fois. C’est pourquoi il faut agir (et se souvenir que l’on agit) pour eux. »
Et si on a craqué…
FO : « On peut réexpliquer à froid : “J’étais sous le coup de la colère, là j’ai réfléchi. Cela n’enlève rien au fait que tu as dépassé la règle, mais la punition est trop forte”. On doit dire aux enfants que l’on s’excuse, que l’on regrette. Cela les conforte dans l’idée que le parent est juste. Et qu’il est possible de reconnaître ses torts. Dans les familles monoparentales, c’est lourd car le parent a tous les rôles et il n’a personne avec qui partager celui du gendarme. Donc il a l’impression de ne faire que cela. »
Et si on se sent dépassé ?
FO : « Il faut aller chercher de l’aide chez un professionnel ou une personne de l’entourage en laquelle on a confiance. Il n’y a ni mauvais enfant ni mauvais parent. Aller chercher de l’aide, c’est reconnaître ses limites. »
Ces explications ont suscité nombre de questions, de réflexions, d’échanges dans l’assemblée et notamment parmi les différents parents présents.
La journée s’est poursuivie autour d’un déjeuner-buffet proposé à tous les présents, occasion de poursuivre les discussions sur un mode moins formel.
L’après-midi était organisée comme une « course aux solutions » apportant « des réponses tous près de chez vous ». Certaines associations et partenaires de notre environnement géographique ont tenu des stands leur permettant de se présenter et de distribuer leurs propres supports (flyers, plaquettes, programme…). Un questionnaire a été distribué aux familles, comme aux professionnels présents, afin de mieux évaluer leurs attentes et leur niveau de satisfaction.
Devant le succès de cette première manifestation, charge à nous de pérenniser ce temps de réflexions, qui pourrait être imaginé également sous d’autres formes. Nous remercions le Conseil départemental et notamment son pôle Protection, Prévention, Polyvalence, ainsi que les différents acteurs présents et toutes les familles participantes en espérant les retrouver lors d’une prochaine occasion.
L’équipe du SERAD Moselle-Est